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Le Grand Rabbin Abraham Bloch

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La figure du Grand Rabbin Abraham Bloch se détache grande et généreuse. Sa vie et sa mort n’ont été qu’un acte de charité. Il s’impose à notre admiration ; c’est le juste qui passe en faisant le bien, c’est le héros qui, jusqu’à son dernier souffle, représente ce qu’il y a de plus haut dans l’humanité.

Issu d’une famille où la science, la piétééclairée et la bontéétaient de tradition, Abraham Bloch, qui naquit à Paris, le 7 novembre 1859, en fut le digne continuateur.

Quand il entra au séminaire, il ne prétendit d’autres titres à la bienveillance de ses supérieurs qu’un grand amour et un respect profond de l’état qu’il voulait embrasser. Peu de temps suffit à révéler ce que sa modestie ne voulait pas voir ; il était l’apôtre par excellence, avec tout ce que ce titre évoque de douceur, de bonté, d’indulgence, de piété et de profond savoir. Ainsi, dès ses premières années d’apostolat, ceux qui l’entouraient, l’admiraient en lui l’étendue de son intelligence, sa puissance de travail, la précocité de son expérience, la droiture de son jugement, l’inflexibilité de sa conduite.

Nommé Rabbin de Remiremont, en 1884, et Grand Rabbin d’Alger en 1897, sa volonté de faire le bien, de réprimer les abus, lui vaudront la sympathie et l’estime, même de ses ennemis et de ses contradicteurs.

À Alger, il arrivait à l’heure troublée de la crise antisémite. Pendant ces journées de surexcitations politiques, il fut admirable de courage, de fermeté et de modération, et certes, la situation était singulièrement critique.

Le poste de chef de la communauté d’Alger était un poste d’honneur. Abraham Bloch s’en montra digne, sans une défaillance. Il ne fut déconcerté ni par l’outrage, ni par la calomnie ; il défendit les libertés de ses ouailles avec patience et justice. C’est par là qu’il s’attira cette forte estime non seulement de ses coreligionnaires, mais surtout de ceux qui aiment la véritable Algérie, celle qui poursuit un labeur patriotique et fécond, celle pour laquelle les hommes de bonne volonté unissent leurs efforts pour la dégager des luttes et des passions locales.

Lorsqu’en 1908, Abraham Bloch quitta la colonie à laquelle il devait garder un attachement si profond et où il laissait d’inoubliables souvenirs, il emportait la joie d’avoir vu se faire l’apaisement, il laissait ses coreligionnaires entourés de liberté et il avait conscience d’avoir contribué grandement à cet heureux résultat.

La communauté de Lyon où M. Bloch était appelé, l’avait choisi pour succéder à M. Alfred Lévy, devenu Grand Rabbin de France, « moins – dit un professeur de l’Université, tombé lui aussi au champ de bataille – pour l’éclat réel de sa parole, que pour le doux rayonnement d’une vie si pure et si religieuse ».

Quand fut décrétée la mobilisation, le Grand Rabbin de Lyon fut avisé, par l’autorité militaire, d’avoir à désigner un aumônier destinéà suivre le 14e corps d’armée. Abraham Bloch s’offrit spontanément. Il ne voulut se souvenir ni de son âge – il avait 55 ans –, ni que sa santéétait affaiblie par les luttes du passé et par son long séjour dans l’Afrique du Nord. Il voulut servir sa Patrie : son amour passionné pour la France, lui donna une énergie nouvelle, et ayant réclamé l’honneur d’accompagner nos soldats, il prit part à toutes les marches, allant après les combats, aider à ramasser les blessés, les consolant, aidant à les transporter aux voitures d’ambulances, se dépensant sans cesse et pour tous. Ce fut dans l’exercice de ce glorieux ministère que la mort vint le frapper.

Le Père Jamin, aumônier catholique du 14e corps, raconte en ces termes la tragique journée du 29 août, pendant laquelle un obus devait frapper à Taintrux (arrondissement de Saint-Dié) le prêtre admirable.

« – Voici quelques détails sur la mort de M. Bloch, dont nous déplorons la perte : c’est un obus qui lui a enlevé la cuisse et l’a laissé inanimé sur la route, près du hameau, où il venait d’aider à relever de pauvres blessés. Il a survécu un quart d’heure mais, croit-on, sans connaissance et n’a dit qu’une parole : « J’ai soif ». Avant de quitter le hameau, un blessé le prenant pour un prêtre catholique lui a demandéà baiser un crucifix. M. Bloch a trouvé le crucifix demandé et l’a fait baiser à ce blessé. C’est après avoir accompli cet acte de charité qu’il est sorti du hameau, accompagnant un autre blessé jusqu’à la voiture la plus proche. L’obus l’a atteint à quelques mètres de la voiture où le blessé venait de monter. »

Et, un brancardier, l’abbé Dubodel, ajoute, sur cette journée de Taintrux, ces autres détails qui prouvent le rôle courageux de M. Bloch.

« – Le samedi, 29 août, le corps de brancardiers de la 58e Division de réserve, au complet, s’avance muni de ses brouettes-brancards, entre les villages de Taintrux et Saulcy, au beau centre, kil faut le dire, d’une vive canonnade. Il recueille dans une ferme à mi-chemin des deux villages, environ 150 blessés, dont une quarantaine d’ennemis. Un bataillon d’alpins, allant prendre la position de combat se défile sur la route qui commande la ferme. Une batterie allemande repère ce bataillon et dirige sur lui le feu de ses canons. Le bataillon s’évanouit dans un bois voisin, ne laissant sur la route qu’un seul blessé, aussitôt cueilli par les brancardiers. C’est alors que la batterie tourne son feu sur la ferme aux blessés et, en dépit des Croix Rouges, l’inonde d’obus deux heures durant, y met le feu aux quatre coins, et cesse alors sa canonnade. Les blessés sont tirés par une porte dérobée, mais il reste à tous 3 kilomètres à faire, sur route découverte, pour atteindre le poste de secours. Alors recommence le feu plus violent que jamais, couchant à terre, blessés, brancardiers, voitures d’ambulance. À l’arrivée au poste de secours, on se compte : 8 brancardiers sont tués ou blessés, 6 disparus, 1 aumônier militaire blessé, le Rabbin tué. »

Cette mort héroïque autant que charitable laisse Abraham Bloch semblable à lui-même. Patriote ardent, penseur croyant et libéral, il tombe en vrai fils de France, rehaussant par sa mort l’honneur de la Patrie, mais il tomber aussi en serviteur du Dieu qu’il vénère et qui est un Dieu de miséricorde.

Religion et Patrie ; c’était la devise de sa vie, c’était celle qu’il avait gravée au seuil du Temple où il enseignait les paroles de vérité. Il y a été fidèle.

L. d’AIGENEST.

 Pour en savoir plus, le blog de son arrière petit-fils, Paul NETTER : http://abrahambloch1914.blogspot.com/


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